Première partie
Deuxième version, premier prototype et première partie, avec mes fidèles acolytes playtesteurs. Tout le monde s’accorde à dire que ça semble très prometteur. Au niveau des mécanismes, il reste un problème évident que je n’avais pourtant pas anticipé : comme les mains de cartes des trois phases proviennent d’une même pioche, la distribution est très aléatoire et les enchainements de bâtiments (le scriptorium permet de construire la bibliothèque qui permet elle de construire l’université) sont très hypothétiques. La solution était évidente et je retournais illico à ma table de travail : dans la version suivante la pioche serait divisée en trois, chacune correspondante à l’une des trois phases de jeu. Ainsi l’enchaînement des bâtiments serait induit par les pioches. Je retrouvais en même temps les fameux âges propres aux jeux de civilisation, ce qui renforçait la dimension narrative. Impeccable !
À partir de ce moment, les règles était calées. A l’exception de la résolution des conflits militaires (j’y reviendrai plus tard), elles n’ont pratiquement pas bougées durant les centaines de parties de test qui ont suivi. Les réglages se sont portés sur les cartes elles-mêmes : au niveau des effets, des coûts, des combinaisons et de leur répartition en fonction du nombre de joueurs. De huit ressources, je suis passé à sept (le chiffre 7 commençait à s’inscrire un peu partout dans le jeu sans que je ne m’en rende compte : 7 joueurs, 7 ressources, 7 couleurs de cartes, 7 cartes en main…), ce qui permettrait à chaque cité d’en produire une différente en début de partie. J’ai également diversifié les bâtiments afin qu’ils ne soient présents qu’en nombre d’exemplaire minimum, afin qu’un joueur ne puisse pas se retrouver avec une main de cartes identiques et donc sans aucun choix. Dans les premiers prototypes, certains bâtiments étaient disponibles en 3 ou 4 exemplaires alors que dans le jeu final, la plupart sont disponibles en deux exemplaires, même dans la configuration de joueurs maximale.
Parenthèse
Des jeux de société, je commence à en avoir un certain nombre à mon actif. À l’heure où je rédige cet article, dix sont dans les boutiques et cinq autres devraient voir le jour d’ici la fin de l’année. Si on ajoute les prototypes en cours de travail et ceux qui n’ont pas trouvé d’éditeur, il commence à y avoir un certain nombre de boites de prototypes sur mes étagères. Tous ses prototypes ont débuté leurs tests auprès du même groupe de joueurs et de tous, 7 Wonders est sans aucun doute celui qui a remporté le plus facilement l’adhésion de toute la bande. Cet enthousiasme collégial était annonciateur d’un futur rayonnant pour le projet et lui a permis de grandir rapidement, les testeurs étant toujours partant pour tester les derniers modifications. Je profite de ces quelques lignes pour remercier, une fois de plus, cette bande de fidèles acolytes ludiques sans laquelle je n’aurai rien pu faire…
Repos Production
C’est au mois de Septembre, à peine âgé d’un mois et demi, que le prototype a quitté mon cercle de testeurs pour aller se frotter à des regards neufs. C’était lors du Monde du Jeu, édition 2009 donc, à Paris. J’étais présent au côté de Repos Production pour présenter White Moon, l’extension de Ghost Stories qui allait sortir le mois suivant, à Essen. J’ai eu l’occasion de faire jouer, entre autres, Thomas Provoost après le salon, sur la table de cuisine que l’hôtel où la Repos Team logeait. Nous n’avons fait qu’une seule partie en raison de l’heure tardive mais la première chose que m’ait dite Thomas le lendemain matin (techniquement, ce n’était que trois ou quatre heures plus tard comme en témoignait ses yeux inquiétants), c’est « 7 Wonders, c’est vraiment bien ».
Je pensais pas que Repos Prod puisse être intéressé par le projet. Pour moi (et c’était le cas pour beaucoup de joueurs à l’époque et ça l’est certainement encore aujourd’hui pour une partie du public, Repos Production ne publiait pas ce genre de jeux). Thomas m’a demandé de leur remontrer le projet à Essen pour que son coéquipier à sombrero, Cédrick Caumont, puisse lui-aussi y jouer.
Je retrouvais donc l’équipe de Repos Production le mois suivant, à l’occasion du salon d’Essen et de la parution de White Moon. Après une première journée intense dans la ferveur ludique germanique, nous nous retrouvions au calme pour travailler. Cette fois, les deux responsables était à ma table et j’avais eu le temps d’améliorer grandement le prototype, tant sur le plan des réglages (les points de victoire des guildes étaient désormais calculés sur les cartes des cités voisines et plus sur les propres cartes du joueur) que sur celui de l’ergonomie (des bandeaux de couleur permettraient de superposer les cartes en conservant l’information importante visible). Cédrick Caumont fut immédiatement emballé… Pour l’anecdote, les parties #53 et #54 ont été jouées ce soir-là, sur la version 5.5.1 du prototype. En rentrant d’Essen, une proposition de contrat m’attendait dans ma boite aux lettres…